Les dents sont perçues comme des excroissances dures dont la fonction principale est d’assurer la mastication ou comme un objet d’apparat du sourire ou comme un élément perturbateur du système postural. Ces visions disparates font que les soins dentaires sont menés sous l’angle d’une problématique dento-dentaire partielle et non pas au regard de la neurophysiologie et de l’anatomie l’appareil manducateur.
Lorsque que vous touchez à la sphère dentaire, immédiatement se passent deux choses.
Premièrement, vous touchez au nerf le plus gros et le plus ubiquitaire des nerfs crâniens qui a des relations avec presque tous les grands centres sous corticaux, ce qui n’est pas peu dire. De par cette structure anatomique du nerf trijumeau, de ses noyaux et de ses connexions inter-neuronales, les soins dentaires ont des répercussions à distance importantes.
Deuxièmement, vous rentrez de plein pied, consciemment ou pas, dans la fonction émergente de régulation de la charge qui naît de l’interdépendance entre l’appareil dentaire, l’œil, la peau, le schéma corporel. C’est le capteur dentaire qui, au sein du processus postural, permet de tonifier notre propre corps, de résister aux processus extérieurs et de tenir la charge de nos émotions.
Cette double constatation devrait obliger les pouvoirs publics à élever l’art dentaire à la véritable place qu’il devrait occuper au sein de notre système de santé, c’est-à-dire une des premières. Alors que les professions qui exercent sur l’appareil manducateur sont encore perçues en marge de notre système de santé comme un mal nécessaire et coûteux par les patients et une discipline mineure au sein de notre système de santé par les pouvoirs publics.
Reformulée en termes neurophysiologiques, la question devient : comment une organisation anatomique aussi gigantesque que celle du nerf trijumeau et la fonction de charge aussi importante qui lui est dévolue pourraient-elles jouer un rôle minime voire négligeable ou vaguement connexe dans les pathologies qui nous affectent ?
Dans les pathologies de l’épaule, les instabilités, les asthénies, les névralgies faciales, les contre-performances sportives, les scolioses et les dégénérescences arthrosiques sont systématiquement impliquées une ou plusieurs pathologies de l’appareil manducateur. Ces quelques exemples assez restreints représentent déjà beaucoup d’argent en termes de soins pour la société et de souffrance pour les patients. Et ne sont pas comptées les innombrables situations pathologiques où un désordre de l’appareil manducateur est un facteur aggravant.