par Romain Hénaut, Ostéopathe DO.
Il existe deux forces en nous qui sont la force tonique involontaire et la force phasique volontaire. Cette distinction est peu connue et souvent mal comprise des praticiens médicaux et paramédicaux et des enseignants et coach sportifs.
Pour vous mettre plus à l’aise avec le sujet, nous allons aborder la force phasique que tout le monde connait sous le nom de force. Lorsque quelqu’un dit : « j’ai de la force » il exprime sa capacité à pouvoir soulever du poids et intuitivement l’on comprend que cette capacité dépend de l’âge, du sexe, de l’entraînement, du potentiel physique. Bref cette force est variable au cours de la vie chez une même personne, elle augmente avec la croissance et l’entrainement et elle diminue avec l’âge et l’oisiveté. Elle se reflète dans l’anatomie de la personne.
Cette force phasique sert dans la vie de tous les jours tant sur le plan pratique, puisque c’est elle qui nous permet de marcher, de courir, de sortir les courses de la voiture ou d’ouvrir un bocal, que sur le plan hédonique puisque son développement modèle notre plastique.
L’autre force, la force tonique, est plus abstraite : c’est le côté « obscur » de la force. Elle ne se voit pas, elle ne se développe pas, ne dépend ni de l’âge, ni du sexe, ni de l’activité. Elle est présente ou ne l’est pas.
La force tonique est complètement ignorée voir inconnue. On ne se vantera jamais d’avoir de la force tonique, on ne verra jamais des défilés de force tonique. Cependant cette force est la force de soutien de la force phasique volontaire, elle agit en aval.
Pour comprendre son importance, imaginez que vous frappiez de toutes vos forces sur une table avec un tube en plastique comme ceux, par exemple, qu’on utilise dans les piscines pour flotter, le résultat va être médiocre, vous n’allez pas faire grand-chose. Imaginez maintenant que vous frappiez de toutes vos forces sur cette table avec une barre en fer, vous pouvez vous attendre à un résultat bien différent.
Pourtant la force de frappe est la même, ce qui change est la rigidité de la barre : celle en mousse ne transmet pas la force phasique volontaire alors que celle en acier permet d’exploiter tout le potentiel phasique de la force.
Il en va de même à l’intérieur de nous, la force tonique exprime notre rigidité et permet l’exploitation de notre force phasique volontaire. Elle agit de manière invisible en arrière-plan. Supporté anatomiquement par les chaînes fasciales et neurologiquement par le système extrapyramidal, ce complexe neuro-anatomique agit comme notre poutre intérieure.
On pourrait faire le parallèle avec un ordinateur : les logiciels sont la partie visible de l’activité, ils nécessitent un développement de programmes et leurs renforcements au cours du temps comme une activité physique, certains développent le logiciel crossfit, tennis, danse, rugby ou foot etc. mais en arrière-plan il faut, comme dans les ordinateurs, un système d’exploitation qui, s’il est défectueux, empêche le bon déroulement du programme. On peut avoir les plus beaux logiciels du monde, sans système d’exploitation ils ne valent pas grand-chose.
Cela explique pourquoi certains sportifs de haut niveau se blessent de manière récurrente. A ce stade de développement de leur activité on ne peut pas invoquer un manque d’entrainement ou un manque de technique. Il faut alors admettre que leur système d’exploitation est défaillant.
Chez monsieur ou madame Tout le monde qui se plaint de douleur en position assise ou en se penchant en avant ou pour des gestes très ordinaires, on ne peut pas invoquer un manque de force, il ne faut quand même pas être un haltérophile pour rester assis sur une chaise ou ramasser son savon dans la douche. Là aussi la question d’une défaillance du système d’exploitation se pose.
L’appareil manducateur est connu en posturologie et en médecine sportive pour être le capteur qui gère la force. Ce qui est moins connu est la double nature de sa fonction. En effet le serrement de dents augmente proportionnellement la force phasique que l’on peut déployer mais l’afférentation des dents gère la tonicité selon que la mandibule est le point mobile ou fixe.
En posturoception, l’appareil manducateur est l’extérocepteur de la charge, c’est lui qui gère la tonicité de notre structure au sein du processus postural. L’extérocepteur de la charge n’est pas le seul, bien sûr, à assurer l’exploitation du système phasique volontaire, sont impliqués aussi les extérocepteurs du positionnement, de la limite et de la cohérence.