Descartes / Boltzmann : Le match.

par le Dr Mesquida Serge.

Descartes

BoltzmannSacré Descartes (1596-1650), l’ange de la pensée scientifique qui plane dans toutes les discussions épineuses. Il suffit d’une conversation où l’on amène une pensée nouvelle, un nouveau regard sur un sujet, un argumentaire certes étayé mais insaisissable immédiatement par la pensée de son interlocuteur et celui-ci de sortir la carte du parti « je suis cartésien » et le débat est clos laissant supposé que le débatteur est pris d’une folie ésotérique outrepassant les canons de la pensée unique scientifique.

Pourtant se réclamer de la pensée cartésienne n’est pas dépourvu de quelques obligations dont nous ne sommes pas toujours conscients. Et nous devons faire nôtre :

  • Le principe d’équivalence qui permet la réduction d’un système compliqué en autant de systèmes simplifiés afin de comprendre l’ensemble, partant du postulat que le tout est égal à la somme des parties.

  • Le principe de linéarité de fonction qui proclame que l’effet est proportionnel à la cause.

  • Le principe de causalité qui veut qu’un effet subit par un système ne peut être produit que par une cause extérieure à lui-même. Autrement dit qu’un système ne peut changer d’état que s’il reçoit une énergie de l’extérieur.

Le principe d’équivalence est parfaitement admissible pour monter et démonter une voiture et même pratique, mais il est beaucoup plus difficile de démonter une mayonnaise pour retrouver l’œuf et l’huile : si donc vous êtes cartésien point de mayonnaise. Si Descartes est contredit pour une simple recette de cuisine, qu’en est-il si on doit démonter et remonter une cellule de tissu vivant, le seul moyen de fabriquer des cellules est de les laisser se répliquer en culture autrement dit de les laisser émerger d’elles même. Il est impossible de démonter une cellule, un muscle, une articulation, un cerveau pour en examiner les pièces afin d’expliquer leur mode de fonctionnement sans perdre ipso facto l’objet de l’étude.

Les grincheux de la science vont répliquer que, pour parer à l’impossibilité technique de démonter un système biologique au risque de le perdre, on crée des appareils d’exploration qui permettent plus ou moins de zoomer sur les composants du système sans le démonter. Certes on réduit intellectuellement un processus vivant dans un instantané statique pour en expliquer le processus dynamique, mais expliquer un fonctionnement n’a rien à voir avec comprendre un fonctionnement et encore moins le reproduire. C’est comme si on prenait une photo d’une autoroute encombrée pour comprendre la formation d’un bouchon.

Pourquoi en ayant identifié tous les composants d’une cellule et leur fonction respective en les mettant ensemble on ne peut les organiser en cellule ?

Le principe de linéarité est parfaitement admissible pour augmenter la vitesse d’un objet : il suffit d’augmenter la puissance énergétique du système qui lui permet de se mouvoir. Mais pour courir plus vite il suffit de changer sa pensée qui a la même puissance énergétique que celle produite pour marcher. Donc si vous êtes cartésien, il vous faut attendre que quelqu’un vous pousse dans le dos pour avancer plus ou moins vite. Si vous êtes boltzmanien, il suffit de produire la même énergie électrique dans le cerveau pour courir plus vite. On passe ici d’une représentation linéaire et proportionnelle qui présiderait à l’apparition de tous les phénomènes à une réalité non linéaire et polysynchrone, multivoque, multipolaire qui préside à l’émergence des phénomènes.

Le principe de causalité est admissible pour tout ce qui concerne les objets mécaniques inertes qui ne peuvent être mis en mouvement que sous l’influence d’une force extérieure. Mais cette vision ne s’applique plus dans le vivant qui se développe sous l’influence d’une force interne. Ainsi si on met une graine dans des conditions favorables elle se met à germer et son principe de germination est interne ou autoréférencé ou autodéterminé, sa force de germination ne dépend pas d’une intervention extérieure.

Boltzmann (1844-1906) père fondateur de la thermodynamique a été le premier à modéliser l’organisation de l’énergie qui n’est plus alors qu’une capacité de transformation d’un système mais aussi une capacité à maintenir la forme d’un processus et à en diriger son évolution.

L’organisation de l’énergie, définie par son entropie, devient un reflet de la cohérence des systèmes et des processus. L’entropie définit l’état de l’énergie interne des processus, le maintien de leur forme dans le temps et leur transformation morphiques, l’énergie prend un sens et soutient l’information.

Boltzmann a permis le saut de la physique linéaire euclidienne vieille de 400 ans à la physique complexe d’Einstein et plus tard les fractales de Mandelbrot. Malheureusement incompris de ses contemporains mécanistes, Boltzmann se suicida et c’est le modèle cartésien vieux de plusieurs siècles qui tient encore la rampe de la modernité scientifique tant notre esprit a du mal à se défaire de la vision de causalité.

Résultat : Descartes 1 /Boltzmann 0

Mais à l’heure de la communication, de ses développements complexes, on peut espérer que le score s’inverse pour essayer d’analyser le vivant dans sa réalité complexe.

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